Actualités, Nos amis Harkis

Sabbah Atrous est en colère

Cette jeune présidente de l’U.D.A.C.F.M.E.- Union Départementale des Anciens Combattants Français Musulmans et leurs Enfants de l’Aude qui fait un travail mémoriel énorme dans sa région, est en colère et livre dans cette déclaration tout son ressentiment et espère mobiliser l’ensemble des troupes des associations de harkis pour obtenir enfin, cette loi de réparation. Mais laissons Sabbah Atrous s’exprimer et lire jusqu’au bout :

Comme tous les gouvernements depuis plus de 50 ans, beaucoup de paroles, parfois très émouvantes comme l’allocution de notre Président lors de la journée des Harkis, mais pas d’actes.

Pas de reconnaissances des souffrances de nos parents, dont les engagements de combattants au sein de l’armée française ont été méprisés, dont le « rapatriement forcé » a été caché par la volonté des gouvernants de l’époque. Nos parents ont été « parqués » dans des camps éloignés des villes, dans les forêts, sans contact avec les autochtones.

Pas de réparations pour les massacres de nos amis, familles restés en Algérie, plusieurs dizaine de milliers de morts, harkis et leurs familles, assassinés dans des conditions atroces, torturés, égorgés, ébouillantés… dont personne ne parle. (2005 : le président Bouteflika a reconnu que des vies innocentes ont été supprimées injustement comme les épouses et les enfants très jeunes parfois des Harkis)

Pire, depuis des années on laisse entendre aux écoliers que les harkis étaient des traîtres, des collabos et beaucoup de professeurs des écoles et de professeurs d’histoire croient à ces calomnies car, c’est ce que l’on trouve dans les livres d’histoire au chapitre de la guerre d’Algérie.

C’est ce que l’on nous raconte dans les écoles et lycées de l’Aude où nous sommes intervenus pour rétablir la vérité, notre vérité.

Nous parcourons notre département, l’Aude avec l’O.N.A.C.V.G. avec un historien, des témoins harkis, des épouses et les échanges avec les élèves et les professeurs sont très fructueux et le regard de nos interlocuteurs change et ils nous regardent plus comme victimes des pouvoirs publics que comme traîtres.

En fait ce qui me révolte et me met en colère en tant que présidente de l’U.D.A.C.F.M.E, c’est le fait que l’état veut clore le dossier harki en l’état et vouer à une nouvelle mort nos anciens qui nous ont quitté et humilier un peu plus ceux qui restent ainsi que leurs enfants et petits-enfants.

Ce qui me met en colère c’est que nos manuels d’histoire ne tiennent aucun compte de l’engagement d’honneur de nos parents, de leur amour pour la France– C’est l’histoire des 173 000 Tirailleurs, Spahis, Chasseurs d’Afrique et Zouaves engagés au cours de la Grande Guerre pour défendre notre pays et dont 28 250 sont tombés au champ d’honneur dans les tranchées de Verdun, la Somme, l’Artois, aux côtés de leurs frères de combat européens, certains ont choisi d’être fidèles perpétué la mémoire héroïque de leurs pères, grands-pères et aïeux. , les Anciens Combattants Français Musulmans-.
– C’est l’histoire de leurs pères lors des campagnes d’Italie : Garigliano, Monte-Cassino et pendant le débarquement de Provence en août 1944.
Il y a ensuite la partie de la Population des Harkis dont le choix est le fruit des circonstances. Ce peut être un besoin de survie, économique, des rivalités claniques…Une question de survie ou de mort pour certains. Mais ce choix de circonstances initial se transforme, pour bon nombre, notamment après mai 1958 et le retour du général de Gaulle en une adhésion et parfois même en un attachement sincère et profond à un chef.
“Je déclare qu’à partir d’Aujourd’hui il n’y a plus qu’une seule catégorie d’habitants, il n’y a que des Français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.”
Général de Gaulle, Alger, 4 juin 1958.
“Il n’y a plus ici, je le proclame en son nom, et je vous en donne ma parole, des compatriotes, des concitoyens, des frères qui marcheront désormais dans la vie en se tenant par la main…”
Discours du général de Gaulle à Mostaganem, 6 juin1958. …nous connaissons la suite…

En dépit des drames qu’ils ont vécus, de la terrible épreuve de l’exil, nos pères sont restés des hommes dignes et courageux…

SOCIETE N’EST FORTE QUE LORSQU’ELLE MET LA VÉRITÉ SOUS LA GRANDE LUMIÈRE DU SOLEIL. » Emile Zola.

Je veux me battre, je veux que nous nous battions pour effacer ces images :

– le pied noir est un bourreau exploiteur

– le harki est un traître

Non, la plupart des pieds-noirs qu’ils fussent alsaciens, bretons, auvergnats, espagnols, maltais, italiens, chrétiens, juifs n’étaient que de petits employés, fonctionnaires, ouvriers de fabriques ou ouvriers agricoles, commerçants mais ils étaient citoyens français à part entière.

Nos parents étaient aussi français, mais ils n’étaient pas citoyens, ils étaient des indigènes.

Et pourtant ces deux communautés ont été victimes du gouvernement de l’époque, les pieds noirs ont été chassés de leur pays et très mal accueilli en métropole où l’on ne voulait pas d’eux et la venue des harkis dans la mère Patrie ne faisaient pas partie du plan du pouvoir.

Les harkis et leurs familles ont donc été envoyé dans des camps de regroupements ou des camps de forestage, dans des conditions de vie inhumaines, ils étaient accueillis en 1962 sous des tentes, pas de chauffages, pas d’électricité, aucun sanitaire, sans lien avec la population locale, avec parfois un instituteur et la visite d’un médecin de temps à autre. Le camp était entouré de barbelés, il existait un couvre-feu, plus tard ils ont construit quelques baraques dures dans les même conditions de vie inhumaines pas de chauffage… Beaucoup de nourrissons, d’enfants parfois des adultes trouvèrent malheureusement la mort suite à ces conditions de vie sous la Responsabilité encore de l’Etat d’hier…Lorsque des Harkis ont voulu se révolter en revendiquant leurs droits de ne pas être traité indignement on les transférait dans des unités psychiatriques. Contrairement à l’administration, des habitants des villages voisins étaient parfois bienveillants à l’égard de ces Français d’origine algérienne n’ayant plus aucune identité. Mais ce peuple était bien caché.

La différence avec les pieds noirs, ils étaient des rapatriés, ils n’ont pas connu les camps, et ils avaient souvent de la famille en métropole et cela leur a été une aide précieuse, alors que nous, sans reparler de notre accueil dans les camps, non seulement nous avions perdu notre terre charnelle, mais nos familles, ceux qui n’avaient pas été exécutés, étaient restés de l’autre côté de la méditerranée sans espoir de les revoir tardivement ou parfois jamais.

Ce qu’il faut savoir c’est que, après avoir été désarmé et après leur avoir retiré leur identité française, si nos pères ont échappé aux représailles de leurs frères devenus des ennemis, c’est grâce à la désobéissance de quelques officiers, qui enfreignant les ordres, ont rapatrié leurs hommes et leurs familles et ont réussi à les faire accepter.

La plupart de ces combattants ont été rétabli dans la nationalité française en répondant favorablement à la demande d’un juge qui les visitait dans les camps.

Nous voulons donc le rétablissement de la vérité, de la réalité de notre histoire dans les manuels scolaires et les livres d’histoire afin que nous puissions nous sentir français à part entière afin que le sacrifice de nos pères ne soit pas vain sans pour autant renier nos origines.

L’Algérie reste la patrie charnelle de nos familles et la France, la patrie élective de nos familles.

A travers cette vérité, cette loi de réparation ce sera la nation française toute entière qui exprimera par la mémoire, la gratitude et le respect dus aux harkis et leurs familles, en assumant avec courage, sans occulter la réalité, une part très sombre de son histoire.

Enfin, loin de vouloir réveiller des douleurs anciennes il s’agit de panser définitivement les plaies de familles encore marquées par cette tragédie et de récréer, autour des valeurs de fraternité, les conditions de l’apaisement et d’une cohésion nationale renforcée.”

Image de “L’indépendant” où l’on voit Sabbah Atrous à l’extrême gauche.

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