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Des nouvelles du Mali : …mauvaises

Nous n’entendons guère parler du Mali sur nos antennes d’informations 24/24 et 7/7 ni dans nos journaux et magazines et pourtant…

Comme à l’ordinaire, nous devons à notre ami le Professeur Bernard Lugan de connaître l’imbroglio malien et ce n’est pourtant pas facile de s’y retrouver.

“Un an après les « accords d’Alger » qui devaient acter la réconciliation entre les belligérants maliens, un peu plus de trois ans après des élections qui devaient faire couler le lait et le miel du consensus démocratique, le Mali est plus que jamais à la veille d’exploser. Or, ce n’est pas une guerre de religion qui le menace, l’islamisme n’y étant que la surinfection d’une plaie ethnique, mais un conflit ethno-racial sur lequel les trafiquants de toutes sortes ainsi que les islamistes se greffent avec opportunisme.

Le Mali subit deux guerres. L’une entre Touareg, l’autre entre Bambara-Dogon et Peul.

La première déchire le monde touareg. Elle oppose les “nobles” Iforas composant le noyau dur du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), à leurs anciens tributaires Imghad du GATIA (Groupe d’auto défense touareg Imghad et alliés) dirigés par le colonel Ag Gamou.
Le MNLA est divisé en de multiples courants et dissidences. A preuve, la création à Ménaka, du MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad). Cette fragmentation, consubstantielle aux Touareg, est certes à base clanique, mais elle s’explique également par la volonté de contrôler les routes de la drogue qui passent par le nord du Mali.
Divisés, les Touareg du MNLA sont aujourd’hui quasiment assiégés à Kidal, leur bastion, par le GATIA qui est armé et soutenu par Bamako. Conscientes que leur armée ne parviendrait pas à vaincre le MNLA, les autorités maliennes ont en effet décidé de combattre ce dernier à travers les  milices du GATIA associées au MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). L’anarchie qui découle de cette situation profite naturellement aux jihadistes.

Après le nord qui a échappé à l’Etat malien, c’est le centre du pays, l’ancien Macina historique, qui est aujourd’hui en état de quasi sécession. La région est en partie composée du delta intérieur du Niger, immense zone inondée une partie de l’année. Fertiles, les terres exondées sont convoitées à la fois par les agriculteurs Dogon, Songhay ou Bambara, et par les éleveurs Peul.
Or, le Macina, partie centrale du Mali, fut, des décennies durant, à la fois négligé par l’Etat malien et pillé par ses fonctionnaires. Dans les années 2011-2013, la guerre qui se déroulait dans le nord du Mali a permis à ses habitants de chasser ces prédateurs. De retour dans les fourgons de l’armée française, les FDS (Forces de sécurité), à savoir les FAMA (Forces armées maliennes), la police, la gendarmerie et la garde nationale, ont reproché aux Peul d’avoir soutenu les rebelles nordistes. Elles se sont donc vengées, pratiquant des exécutions sommaires, violant les femmes, volant le bétail et rackettant les populations. La réaction des indigènes a fait qu’aujourd’hui, les FDS ont été chassées et sont cantonnées dans quelques postes dont elles ne sortent guère. Les populations sont donc laissées seules aux prises avec les voleurs de bétail, les trafiquants et les jihadistes. Ces derniers offrent leur alliance aux Peul afin de les protéger durant les transhumances. C’est ainsi que fut créé le FLM (Front de libération du Macina).

Le recrutement de certains Peul par les jihadistes est favorisé par le problème social qui se pose au Macina où les individus marginalisés voient dans l’islam jihadiste le moyen d’une revanche contre les aristocraties locales. La démarche est identique à celle des Peul des XVIII° et XIX° siècles qui trouvèrent dans l’islam le levier leur permettant de renverser les autorités locales. En réalité, nous sommes d’abord face à une révolte des « petits » peul voulant l’abolition des droits fonciers traditionnels. Nous sommes en présence d’une forme de jacquerie religieuse, d’un conflit entre peul transhumants et peul sédentarisés, les premiers contestant les droits fonciers des seconds. A cela, s’ajoute la question globale de la rivalité des agriculteurs et des pasteurs. Ces multiples conflits constituent naturellement un terreau favorable aux jihadistes.

Abandonnée, la région échappe donc elle aussi à l’Etat malien. Désemparé et ayant perdu le contrôle du nord et du centre du pays, ce dernier tente de sous-traiter la question à des milices ethniques locales, à l’image de ce qu’il fait au nord avec le colonel Ag Gamou et ses touareg Imghad contre le MNLA.
C’est en ce sens que l’on doit comprendre la création du MDP (Mouvement pour la défense de la patrie) par Hama Founa Diallo, un mouvement armé peul que Bamako tente d’utiliser contre le FLM. C’est également ainsi que nous devons analyser la naissance de plusieurs groupes d’auto-défense bambara ou dogon.

Dans l’état actuel des choses, rien ne semble pouvoir freiner la parcellisation du Mali, son émiettement ethnique et bientôt tribal. Le danger serait donc que les islamistes proposent aux populations le dépassement de ces divisions mortifères dans un califat trans-ethnique qui viendrait les coaguler.”

Bernard Lugan
20/09/2016