Que dire à Jean-Marie Le Pen ?
José Castano a traduit en un joli texte tout ce que nous pensons de notre ami Jean-Marie Le Pen :
L’IRRÉDUCTIBLE MENHIR
« Quand vient l’heure de l’adversité, tous deviennent courageux contre celui qui tombe » (Lord Byron, « Sardanapale »)
Je vais vous faire un aveu : Je suis un inguérissable nostalgique… Et cette nostalgie me vient tout simplement d’un présent qui n’est pas à la hauteur des promesses du passé. « Le passé est un fleuve qu’on ne remonte jamais » disait Henry Bataille. C’est la raison pour laquelle –je le confesse honteusement– j’éprouve une certaine tendresse pour Jean-Marie Le Pen.
Je sais… je sais… Par les temps qui courent, ce n’est pas bien, ce n’est pas moral me direz-vous mais que voulez-vous ; je suis ainsi fait ! Je n’appartiens pas à la caste des oublieux, ni à celle des ambitieux, ni à celle des carriéristes sans foi ni loi…
Jean-Marie Le Pen n’est ni fréquentable, ni honorable vitupère-t-on à l’envi… Et alors ? Dans ce monde grouillant de politiciens véreux qui composent le damier des prétendants au trône, qui l’est vraiment ?…
Il adore être entouré, congratulé, aimé… Il apprécie particulièrement les chansons paillardes, le rire, la beauté sous toute ses formes, la vie quoi !… C’est grave docteur ?…
Il aimerait l’argent, les femmes et le pouvoir… Eh bien ? Qui n’a pas rêvé de se prélasser avec délice -ne serait-ce qu’un instant- dans cet univers pernicieux que les « puissants » de ce monde fréquentent dans une indicible extase ?…
Il serait également antisémite, islamophobe, xénophobe, homophobe, raciste et j’en passe… Bon, bon, d’accord… Connaissez-vous quelqu’un qui ne soit pas un peu l’un ou l’autre ? Foutaise!… Vous croyez, vous, en ces bonimenteurs que sont la bien-pensance, les moralistes à la conscience pure, la gauche caviar ?…
Et quoi d’autre encore ? Ah oui, j’oubliais le principal… Durant son « activité », il savourait particulièrement le fait de passer dans la « lumière » de l’actualité comme les acteurs le sont dans la lumière des feux de la rampe. C’est que Jean-Marie Le Pen est un acteur-né ! Sa vocation réelle, c’étaient les planches. Sa nature de « bon vivant » au comportement joyeux, au rire facile et au calembour parfois acide lui aurait permis d’exceller au théâtre dans un genre de spectacle troupier à l’humour grivois, genre Belmondo : « Ah ! Brigands, vous ne jetterez pas à l’eau comme une huître un ancien troupier de Napoléon ! » se serait-il alors exclamé avec délice comme dans « La femme de trente ans », parallèle saisissant de ce roman d’Honoré de Balzac avec la conjoncture présente… Mais le destin en décida autrement. En en faisant un chef de parti politique, il nous a privés d’un fabuleux acteur, d’un tragédien hors pair…
Alors, à défaut de spectacle, Jean-Marie Le Pen a fait de la politique en artiste. Durant 70 ans, cet orateur-né, ce tribun charismatique et visionnaire que tous les chefs de parti enviaient en grand secret, explosait l’audimat, remplissait les salles, haranguait les foules, dénonçait, condamnait, provoquait… tout en s’attardant avec bonheur sur les subjonctifs. 70 années de vie politique, d’incantations, de controverses et de saillies légendaires…
Qu’importent les réactions des « moralistes », de la « nomenklatura » et des médias ! Lui, ce qu’il voulait, c’est qu’on parle de lui. En bien ou en mal, peu importait ! L’essentiel, c’est qu’on parlât de lui. Et plus on parlait de lui, plus il était heureux. Son propre, c’était de provoquer à chacune de ses interventions, une extase organique, d’emmerder les cons(ciences) trop coincées et de tourner en dérision les sujets les plus graves. Sa constante, comme la célèbre devise de Pierre Dac, c’était d’être « pour tout ce qui est contre, et contre tout ce qui est pour ». Le pouvoir ? Ce n’est pas qu’il n’ait jamais voulu l’obtenir, ce n’est pas qu’il ait voulu fuir ses responsabilités comme le prétendent les docteurs ès sciences politiques et leurs satellites devins, c’est que, tout simplement, compte tenu de l’état avancé de délabrement de la France (déjà) : dette publique, immigration, insécurité, chômage… il ne s’est jamais fait la moindre illusion sur la capacité de quiconque –lui compris- à empêcher son inéluctable naufrage (1).
Qu’ils l’adulent ou le rejettent, pour la plupart des Français, Jean-Marie Le Pen, l’irréductible menhir, le champion de la provoc et de l’audimat, demeure à ce jour le dernier Gaulois de la politique française. Au crépuscule de sa vie, il sait n’attendre aucune indulgence de la part de ses détracteurs et, à l’instar d’Alfred de Musset, le « poète souffrant », laisse exhaler sa douleur : « Le monde n’a de pitié que pour les maux dont on meurt »… Alors, s’il doit mourir, qu’il meure en sublime comédien qu’il est ! Son plus grand rôle lui tend les bras, celui qui le magnifierait aux yeux de la postérité : Sardanapale (2), ce roi légendaire de Ninive en Assyrie qui, voyant le pouvoir lui échapper à la suite d’une conspiration, choisit lorsqu’il se rendit compte que sa défaite était inéluctable, de se jeter en compagnie de sa favorite, Myrrha, dans les flammes d’un gigantesque bûcher.
Mais, face à cette impuissance à contrarier ses passions et son destin, nul besoin de sang ni de mort violente. Et Racine de l’expliquer dans la préface de Bérénice : « Il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs soient héroïques, que les passions y soient excitées, pour provoquer cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie ».
Reclus dans sa diminution physique, son désespoir et sa tristesse de n’avoir pas été compris avant que « le grand chambardement » n’ait raison de la France, c’est dans un poème d’Alfred de Musset, « Tristesse », que cet homme, éternellement accusé des pires crimes politico-médiatiques, dans le couloir de la mort du politiquement correct depuis 70 ans, exprima le 21 octobre 2014 dans le film de Serge Moati : « Adieu Le Pen », ses sentiments intimes et mélancoliques et confirma sa nature à jamais tourmentée :
« Dieu parle, il faut qu’on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d’avoir quelquefois pleuré. »
José CASTANO
(1) – Et ce naufrage n’a eu de cesse de s’accentuer au fil des ans puisque dans sa publication du 28 juin 2024, l’Insee annonçait qu’à la fin du premier trimestre 2024, la dette publique s’établissait à 3 159,7 Milliards d’Euros.
(2) – Sardanapale, drame de Lord Byron publié en 1821 en Angleterre
« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots »
(Alfred de Musset (1810-1857) dans sa « Nuit de mai »)
« L’ennemi n’est pas celui qui te fait face, l’épée à la main. C’est celui qui est à côté de toi, le poignard dans le dos » (Paulo Coelho – Ecrivain brésilien)